Lire la décision : CA TOULOUSE 031212 SDN EDF
Les antinucléaires crient victoire après avoir obtenu lundi 3 décembre devant la cour d’appel de Toulouse ce qu’ils disent être la première condamnation d’EdF pour une fuite radioactive certes mineure sur l’une de ses centrales, mais révélatrice selon eux des agissements de l’un des principaux producteurs et fournisseurs d’électricité au monde.
Les antinucléaires ont exprimé l’espoir que cette décision de justice ferait jurisprudence dans d’autres dossiers pendants devant la justice.
EdF a été condamnée lundi 3 décembre à 4.000 euros d’amendes à cause du déversement accidentel d’environ 450 litres d’effluents radioactifs dans le milieu naturel à la centrale de Golfech (Tarn-et-Garonne) le 18 janvier 2010.
Retard dans l’intervention – La chambre correctionnelle de la cour d’appel de Toulouse a condamné EdF à payer deux fois 2.000 euros d’amende pour avoir utilisé un système d’alarme inadapté et avoir tardé à intervenir alors que la cuvette de rétention des effluents manquait d’étanchéité.
Le déversement avait été causé par plusieurs incidents. Des pompes étaient tombées en panne, ce qui avait provoqué le débordement d’une cuve en inox. Les effluents s’étaient alors écoulés dans une enceinte en béton poreuse et une partie d’entre eux s’étaient ensuite retrouvés dans le sous-sol.
En mars 2010, EdF constatait dans des eaux souterraines la présence de tritium, de l’hydrogène radioactif, et prévenait l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) en avril de l’incident. Les équipes d’EdF n’étaient intervenues que début mars pour purger l’enceinte en béton.
Pour l’ASN, la fuite était mineure et avait eu un impact sanitaire minime. Mais les antinucléaires voulaient mettre en accusation les règles générales de fonctionnement d’EdF. Ils estimaient aussi que le “rejet intempestif” qui s’était retrouvé dans la nappe phréatique comportait de nombreux autres radioéléments en plus du tritium et accusaient la centrale de s’être rendue coupable d’un “enchaînement de défaillances techniques”.
Ils avaient été déboutés en première instance par le tribunal de Castelsarrasin (Tarn-et-Garonne).
Première condamnation pour infraction aux règles de sécurité – Ils se réjouissaient lundi d’avoir, cette fois, obtenu gain de cause, et espéraient que l’arrêt de la cour d’appel ouvrirait la voie à d’autres condamnations.
“On est très satisfait qu’EdF soit pour la première fois condamné” pour des agissements qu’il commet “régulièrement et de façon chronique”, a dit Marc Saint-Aroman, du réseau Sortir du nucléaire.
Cette association a porté plainte dans une trentaine de dossiers similaires, a précisé l’avocat du réseau, Me Benoist Busson. La décision de la cour d’appel est une première car les infractions aux règles de sécurité et de prévention ne sont sanctionnées pénalement que depuis la loi sur la transparence et la sécurité en matière nucléaire de 2006, a-t-il expliqué.
Il a assuré qu’il y aurait d’autres procès et s’est dit confiant dans le fait que la condamnation de lundi ferait jurisprudence. “A en croire les rapports de l’Autorité de sûreté nucléaire, Edf se rend coupable et responsable d’infractions du même genre depuis deux ans”, a-t-il déclaré.
EdF devra verser 1.500 euros de dommages et intérêts à chacune des trois parties civiles: le réseau Sortir du nucléaire, France nature environnement et les Amis de la Terre.
EdF a en revanche été relaxée d’autres chefs de poursuite comme un défaut de formation du personnel ou l’insuffisance des capacités des cuvettes de rétention.
On ignore si Edf va se pourvoir en cassation. Un porte-parole de la centrale de Golfech s’est borné à dire que celle-ci prenait acte de la condamnation comme elle avait pris acte de la relaxe en première instance, mais qu’elle avait pour principe de ne pas commenter les décisions de justice. EdF ainsi que son avocat, Me Olivier Piquemal, se sont refusés à tout commentaire.
La centrale de Golfech, située en bordure de Garonne à 90 km en aval de Toulouse et refroidie par le fleuve, est constituée de deux réacteurs de 1.300 MW chacun mis en service en 1991 et 1994. C’est la seule centrale nucléaire de Midi-Pyrénées. Le nucléaire représentait 67,1% du mix énergétique de la région en 2011, selon EdF.