Le nouvel article dispose

« Art. L. 600-7.-Lorsque le droit de former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager est mis en œuvre dans des conditions qui excèdent la défense des intérêts légitimes du requérant et qui causent un préjudice excessif au bénéficiaire du permis, celui-ci peut demander, par un mémoire distinct, au juge administratif saisi du recours de condamner l’auteur de celui-ci à lui allouer des dommages et intérêts. La demande peut être présentée pour la première fois en appel. 

Lorsqu’une association régulièrement déclarée et ayant pour objet principal la protection de l’environnement au sens de l’article L. 141-1 du code de l’environnement est l’auteur du recours, elle est présumée agir dans les limites de la défense de ses intérêts légitimes.»

C’est une des dispositions les plus critiquées; le tiers requérant pourra être condamné par le tribunal administratif à des dommages-intéréts en cas de recours « non légitime » contre une autorisation d’urbanisme.

Il s’agira de démontrer la mauvaise foi du requérant; notons en premier lieu que les associations de protection de l’environnement (même non agréées, c’est une différence notable avec le projet d’ordonnance et le projet Labetoulle) ne sont pas a priori concernées; il s’agirait donc de permettre de sanctionner des recours par des particuliers (ou SCI, sociétés commerciales …).

La « mise en oeuvre » de leur recours devrait alors « excéder la défense légitime » de leurs « intérêts » : l’accent est mis sur la manière dont est conduit le procès.

Deux cas de figure peuvent alors se distinguer.

1° Les requérants auraient pour objectif principal d’empêcher la réalisation du projet alors même qu’il ne leur causerait pas de préjudice.

Relevons la contradiction qui existe : le fait d’être riverain d’un futur projet de construction présuppose l’atteinte à un intérêt légitime; autrement dit, si on construit à côté de chez moi, cela aura toujours un impact sur mon droit de propriété : perte de vue, perte d’intimité … Même dans le cas où l’on remplace un terrain vague par une construction, on peut soutenir que le projet aura des conséquences sur mon environnement; les cas limites sont ceux des projets éloignés de mon habitation où effectivement il peut être soutenu que le requérant ne subit pas de préjudice direct; mais dans ce cas, l’article L600-1-2 vu précédemment devrait empêcher d’agir.

Il y a aussi les cas particuliers d’un propriétaire (ou d’un locataire) d’un terrain nu dans une zone qui a vocation à être urbanisée; dans ce cas, l’atteinte au droit de propriété semble effectivement très indirecte encore qu’on pourra soutenir que le projet de construction en violant le PLU (règles de hauteur par exemple mais aussi insuffisance des places de stationnement) porte atteinte à mon droit de propriétaire car en ce qui me concerne dans ma future demande de permis, je subirai les conséquences de ces illégalités (préjudice futur mais certain).

Le paradoxe c’est que plus le projet sera important (habitat collectif, grandes surfaces commerciales …), plus il sera aisé au requérant d’invoquer un préjudice et alors que c’est justement les projets importants que réalisent les promoteurs,  qui sont à l’origine de cette disposition.

2° Le deuxième cas est plus problématique encore : le projet me cause incontestablement un préjudice (perte de vue par exemple, d’ensoleillement …) mais je vais invoquer des moyens sans rapport avec les règles d’urbanisme qui préviennent ces atteintes (distances, hauteur …) en invoquant des moyens d’illégalité externe. Ce cas pose problème car il remet en cause fondamentalement le principe selon lequel un recours pour excès de pouvoir peut être fondé sur toutes sortes de moyens (il s’agirait autrement dit d’une manière tendancieuse de dire que les moyens d’illégalité externe ne sont plus invocables en matière de contentieux contre les autorisations d’urbanisme !); d’autre part, rappelons que ces moyens d’illégalité externe sont toujours régularisables notamment par un PC modificatif en cours d’instance.

On peut se demander aussi si le fait de ne pas déposer de référé suspension ou d’invoquer des nouveaux moyens longtemps après l’introduction de l’instance voire en appel n’est pas visé ici également. Cependant, le requérant peut être de bonne foi : il ne sert en effet à rien de déposer un référé si la construction, importante, n’est pas lancée simplement parce qu’une formation collégiale sera toujours mieux à même de statuer sur un permis de construire qu’un juge unique; quant à l’invocation de nouveaux moyens, cela dépend souvent de la communication des pièces par la partie adverse qui fait de la rétention.

 

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